Aux origines de la tradition primordiale d’apres le livre de B.G. Tilak

tilakDans les milieux évoliens et guénoniens on se réfère volontiers à la “Tradition primordiale” de même qu’à la “civilisation hyperboréenne” ainsi qu’au “Symbole polaire” sans que l’on sache trop de quoi l’on parle. S’agit-il de notions et de concepts qui recouvrent un “Mythe de la fondation” ou un “Mythe mobilisateur”? On ne sait trop. Il y a bien le livre fondamental de Julius Evola, Révolte contre le Monde moderne, qui nous parle de tout cela dans sa première partie, qui se réfère au “Monde de la Tradition”, sans toutefois trop se soucier des bases scientifiques concrètes qui l’auraient fondées. Au contraire, Evola récuse ces bases, pour faire appel à des notions ou plutôt à des principes extra-scientifiques, car pour Evola “la Tradition commence là où, un point de vue supra-individuel et non humain ayant été atteint, tout ceci (le point de vue de la science) peut être dépassé”. Et Evola d’ajouter: “En particulier il n’existe, en fait de mythe, que celui que les modernes ont construit sur le mythe, en le concevant une création de la nature primitive de l’homme, et non comme la forme propre à un contenu suprarationnel et supra-historique. On se souciera donc peu , de discuter et de ‘démontrer’. Les vérités qui peuvent faire comprendre le monde traditionnel ne sont pas de celles qui ‘s’apprennent’ et se ‘discutent’. Elles sont ou ne sont pas”. Dans la note 6 en bas de page, qui se trouve à la fin de cette citation, Evola fait appel à un témoignage de Lao-Tzé de même qu’à un texte traditionnel hindou dont il relève la phrase suivante: “Tous les livres qui n’ont pas la Tradition pour base sont sortis de la main de l’homme et périront: cette origine démontre qu’ils sont inutiles et mensongers”.

Que peut en conclure un homme formé dans la prosaïque tradition de la pensée philosophique occidentale, si ce n’est que s’il veut se référer à son tour à la Tradition, avec un T majuscule, il lui sera nécessaire de faire table rase de toutes ses habitudes de penser, pour adopter un credo essentiellement irrationnel ou plutôt anti-rationnel, et dès lors le guettent toutes les séductions des modes de penser dits “supra-humains”, quitte à devenir la victime d’autres sciences ou plutôt de sciences “autres”, qui s’appellent hermétisme et occultisme, plus ou moins teintées d’orientalisme.

Bien que René Guénon et Julius Evola nous aient mis en garde contre les erreurs et les errances du spiritualisme occidental contemporain qui ont principalement conduit à la théosophie et à l’antroposophie, sans oublier le néo-mysticisme à la Krishnamurti ou, plus près de nous, encore aux moutures occidentales du Zen et du Tao, eux-mêmes n’ont pas toujours pu résister aux mirages de l’”ex oriente lux”.

origine-polaire-de-la-tradition-védiqueMais voici que de ce même Orient nous est venue une voix très scientifique, elle, pour nous parler des origines de la “Tradition primordiale”, non seulement de ses origines , mais aussi du sens de cette Tradition. Cette voix est celle de Lokamanya Bâl Gangâdhar Tilak, dans son livre Origine polaire de la tradition védique, qui porte en sous-titre “Nouvelles clés pour l’interprétation de nombreux textes et légendes védiques”.

Comme la fait remarquer Jean Remy, un des deux traducteurs de la version française de cet ouvrage, parue en 1979 aux “Editions Arché”, à Milan, “la version originale de ce livre était parfaitement connue de René Guénon et constituait sans doute, à en juger par sa correspondance, la principale source sur laquelle. il s’appuyait pour affirmer l’origine hyperboréenne et polaire de la “Tradition primordiale”. Ce fait est d’ailleurs confirmé, ajoute Jean Remy, par une réponse à un article de Paul Le Cour, animateur de la revue “Atlantis”, publiée dans “Le Voile d’Isis” d’octobre 1929.

Nous ne citerons pas à notre tour ce qu’écrivait Guénon à Paul Le Cour à propos du livre de L.B.G. Tilak, qu’il qualifiait de “remarquable”, en ajoutant qu’il “semble malheureusement être resté complètement inconnu en Europe, sans doute parce que son auteur était un Hindou non occidentalisé”.

Tout en n’étant pas un Hindou occidentalisé, Tilak n’en a pas moins fait appel à tout ce que la science occidentale a pu lui apporter comme lumières pour concevoir et écrire le livre dont nous tenterons de donner ici un aperçu.

Mais avant d’aller plus loin, disons qui est en fait l’auteur de ce livre de la plus grande importance pour une approche de la Tradition primordiale. Tilak, apprenons-nous dans l’Introduction de Jean Remy, a été, bien avant le Mahatma Gandhi, un nationaliste hindou qui a consacré toute sa vie à la défense de la tradition culturelle de son pays. A ce titre il fut un des principaux animateurs du parti du Congrès et comme tel il eut à subir les persécutions de l’administration britannique de l’Inde, aussi est-ce en prison que Tilak a en grande partie écrit le livre qui fait l’objet du présent entretien. Rédigé vers les années 1898, ce livre ne parut toutefois qu’en 1903, car Tilak avait voulu vérifier au préalable toutes les données de son travail que l’on peut vraiment considérer comme révolutionnaire quant à la connaissance de l’origine hyperboréenne des peuples indo-européens. Tilak “a en fait ouvert une voie qui n’a fait que se renforcer en Inde: la confrontation des théories traditionnelles aux données de la science moderne”. (1)

La thèse principale de l’ouvrage de Tilak est donc que les Indo-Européens ont eu pour berceau commun une zone s’étendant à l’intérieur du cercle arctique avant la dernière glaciation qui doit avoir eu lieu entre le douzième et le neuvième millénaire avant notre ère.

Mais au XVIIIe siècle, l’astronome français Jean-Sylvain Bailly (1736-1793) avait déjà suggéré qu’un “peuple inconnu”, installé jadis dans l’estuaire du fleuve sibérien Obi, à hauteur du cercle polaire, aurait peu à peu remonté ce fleuve et ses affluents en direction des monts Altai, c’est-à-dire vers le Sud et donc vers des climats plus chauds. Bailly voyait déjà dans ce peuple “l’élément commun à des traditions apparemment si diverses que celles des Phéniciens, des Egyptiens, des Grecs et d’autres peuples d’Asie (en particulier Perses et Indiens)”, comme nous le rappelle Jean Remy, pour conclure que l’exposé de Bailly précédait de près d’un siècle et demi celui de Tilak qui ignorait d’ailleurs tout de la thèse de son prédécesseur français.

Alors que Bailly était arrivé à sa thèse en étudiant les tables chronologiques et astronomiques indiennes rapportées en France par divers explorateurs et missionnaires de son temps, Tilak, lui, était arrivé à des conclusions à peu près identiques en se heurtant à certains points obscurs et encore demeurés inexpliqués jusque là dans plusieurs hymnes védiques ainsi que dans d’autres textes hindous qui en découlent.

orionEn réalité, comme le dit Tilak dans la Préface de son livre, celui-ci avait été précédé, en 1893, par un autre ouvrage intitulé Orion ou Recherches sur l’antiquité des Védas. Rappelons dès lors que la période appelée par Tilak “période d’Orion” est celle où le soleil se trouvait, au moment de l’équinoxe de printemps, dans la constellation d’Orion, c’est-à-dire aux environs du quatrième millénaire avant notre ère, époque vers laquelle l’on commença vraisemblablement à mettre par écrit la littérature védique. Notons en passant que pour la plu part des hindouistes cette rédaction ne serait commencée que deux millénaires plus tard.

On sait, en effet, qu’à l’époque dite des brâhmanes, c’est-à-dire vers -2.500 ans, l’équinoxe s’était déjà déplacée vers la constellation des Pléiades ou, en termes védiques, vers celle des Krittikas. Et comme on sait que les Védas, sont l’œuvre des brâhmanes on voit les fluctuations, quant à la datation de ces dernières.

Quoi qu’il en soit, situons en quelques mots les points obscurs et non expliqués des Védas, notamment ces nuits et ces jours “des dieux” qui durent chacun six mois, donc ensemble toute une année, et cela dans un pays où, tout comme chez nous, les nuits et les jours ne durent ensemble que vingt-quatre heures (2). Donc, Tilak ne s’est pas seulement heurté à la “nuit des dieux” (chap. IV de son livre), mais aussi aux “aubes védiques” (chap. V), aux mois et saisons védiques (chap. VII), de même qu’aux mythes védiques des “eaux captives” (chap. IX) et des “divinités matutines” (chap. X). Au chapitre VIII; il s’est même heurté à un mystère de la “marche des vaches”.

Force nous est donc de dire que, devant tous ces mystères, les investigations de Tilak n’ont pu que le conduire à situer l’origine des traditions védiques non pas, comme Bailly, à l’embouchure du fleuve Obi, mais bien au-delà du cercle polaire, vers des parages proches du Pôle Nord, actuellement recouverts des glaces éternelles.

Comment, nous demanderons-nous à notre tour, Tilak a t-il pu situer le berceau de la tradition védique, c’est-à-dire de la Tradition primordiale en ces lieux de la plus grande désolation climatique actuelle?

Disons tout d’abord que c’est en se rendant compte que les longs jours de six mois et les longues nuits d’autant de mois, de même que les interminables aubes védiques ne se retrouvent qu’au-delà du cercle polaire et en des lieux fort proches du Pôle Nord. Mais ces lieux ont-ils jadis pu être habitables pour un peuple déjà suffisamment évolué que pour avoir pu créer toute une civilisation capable de concevoir une métaphysique aussi complexe que celle de la Tradition primordiale? Tilak y a répondu par l’affirmative, et c’est pour ce faire qu’il a eu recours à toutes les disciplines scientifiques modernes qui pouvaient étayer sa thèse, soit la géologie, la paléontologie, l’archéologie préhistorique, la linguistique comparée, l’astrologie, etc. Il a pu en arriver ainsi à des conclusions qu’il a résumé lui-même dans les treize points que voici qui concernent principalement l’Europe:

“I. Au tout début du néolithique, l’Europe est habitée par des races dont descendent les peuples actuels de l’Europe qui parlent des langues aryennes.

II. Mais, bien que l’existence d’une race aryenne en Europe au début du néolithique soit établie, et donc que la théorie des migrations à partir d’une contrée asiatique à l’époque post-glaciaire soit insoutenable, cela ne prouve pas que la race aryenne soit autochtone en Europe, et la question de son origine géographique n’est donc pas résolue.

III. Il y a de bonnes raisons pour supposer que l’usage des métaux fut introduit en Europe par des peuples étrangers.

IV. Les différents âges de pierre, de bronze et de fer ne sont pas contemporains dans les différents pays, et le haut niveau de civilisation en Egypte n’est donc pas incompatible avec la civilisation néolithique de l’Europe à la même époque (3).

V. Selon les plus récentes preuves géologiques, qui peuvent difficilement être négligées, la dernière période glaciaire doit s’être terminée il y a environ 10.000 ans, point de vue attesté par le caractère récent des fossiles sibériens.

VI . L’homme n’est pas simplement post-glaciaire, comme on le croyait il y a quelques années, et des faits déterminants prouvent qu’il était déjà répandu au quaternaire, sinon au tertiaire.

VII. Il y eut au moins deux périodes glaciaires et une interglaciaire (4), et la répartition des continents pendant la période interglaciaire était tout à fait différente de ce qu’elle est aujourd’hui.

VIII. Il y eut au pleistocène d’importants bouleversements du climat, froid et rude durant la période glaciaire, et doux et tempéré pendant l’interglaciaire, même jusque dans les régions polaires.

IX. On a des preuves suffisantes pour montrer que les régions arctiques d’Asie et d’Europe étaient caractérisées à la période interglaciaire par des étés frais et des hivers doux, ce que Herschel (5) appelle un “perpétuel printemps”; et des endroits comme le Spitzberg où le soleil est au-dessous de l’horizon de novembre à mars, étaient alors couverts d’une végétation luxuriante qui ne pousse, à présent, que dans les climats tempérés ou tropicaux (également avec une faune propre à ces climats).

X. Ce fut l’arrivé de la glaciation qui détruisit ce climat propice et rendit ces régions hostiles à cette flore et à cette faune.

XI. On possède différentes évaluations concernant la durée de la période glaciaire, mais en l’état actuel de nos connaissance il est plus sûr de nous fier à la géologie qu’à l’astronomie à cet égard, bien que celle-ci nous fournisse une explication plus probable de la glaciation.

XII. Selon le Prof. Geikie (6), il est prouvé qu’il y et quatre interglaciaires, et que même le début de la (dernière, la nôtre) période postglaciaire et doux, au climats froids par l’alternance de climats froids et doux, au moins au nord-ouest de l’Europe.

XIII. Plusieurs hommes de science éminents ont déjà avancé la théorie que le berceau de la race humaine doit être cherché dans les régions arctiques, et que la vie végétale et animale ont également pris naissance en cet endroit (pp. 51-52).

Jusque là ces treize points au départ desquels Tilak a poursuivi ses investigations dont il a consigné les résultats dans les treize chapitres de son ouvrage. Mais comment résumer ceux-ci? En tête de chacun de ces chapitres il a bien résumé lui-même leur contenu, mais ces résumés formeraient déjà à eux seuls touts une brochure.

Contentons-nous donc de dire que les diverses variations que Tilak a pu constater, au cours de ses investigations, quant à la durée des nuits et des jours ou des aubes, des mois et des saisons védiques sont notamment dues aux différentes latitudes où sont nées les traditions védiques (ou avestiques), car un fait originaire d’un lieu tout proche du Pôle Nord s’est déroulé dans de tout autres conditions astrologiques et saisonniaires qu’un fait qu’il faut situer dans un lieu relativement éloigné du Pôle tout en étant à localiser dans une région circompolaire.

Au chapitre XI de son livre, Tilak cherche confirmation des résultats de ses investigations dans le monde védique en se référant au monde de l’Avesta tout en faisant également une incursion, au chapitre XII, dans le domaine de la mythologie comparée pour trouver également des références dans le monde des Grecs, des Romains, des Celtes et des Germains. Quoique relativement sommaire, cette incursion est particulièrement instructive et a été complétée depuis la date de parution de son livre par de nombreux travaux, dont ceux de Georges Dumézil.

le-vedaAu chapitre XIII et dernier de son livre, Tilak traite de la portée de sa théorie sur l’histoire de la culture et de la religion des premiers Aryens. Nous nous permettrons d’en détacher quelques passages, à commencer par celui-ci: “Les preuves que nous avons accumulées dans les chapitres précédents consistent en des citations de première main des Védas et de l’Avesta, qui démontrent sans erreur possible que les poètes du Rig-Véda connaissaient les conditions climatiques (7) qui ne sont observables que dans les régions arctique, et que les principales divinités védiques (…) sont pourvues d’attributs qui trahissent leur origine arctique.” (p. 330).

Plus loin, quant au pays d’origine des Aryens, Tilak constate que “si les traditions des peuples européens indiquent, selon le Prof. Rhys (8), la Finlande ou les rivages de la Mer Blanche, les traditions védiques font remonter le pays d’origine encore plus au Nord; car une aube continue de trente jours n’est possible qu’à quelques degrés au sud du Pôle Nord. Mais bien que la latitude puisse être déterminée avec une certaine précision, la longitude, par contre, reste dans le flou le plus absolu. On ne peut donc pas déterminer si l’origine des Aryens se trouvait au nord de l’Europe ou au nord de l’Asie” (pp. 331-332).

Tilak écrit encore: “La question de savoir si des races autres que les Aryens ont cohabité avec · ces derniers dans les régions circompolaires ne nous intéresse pas ici”. Cela n’empêche qu’il ajoute: “Dans Paradise found, le Dr. Warren a cité des traditions égyptiennes, akkadiennes, assyriennes, babyloniennes, chinoises et même japonaises, indiquant l’existence d’une origine arctique de ces peuples.” (p. 339).

En ce qui concerne “tous les défauts et lacunes que l’on trouve dans la civilisations des Aryens du nord de l’Europe au début du Néolithique, par rapport à la civilisation des Aryens de l’Asie”, Tilak avance (p. 342 et suiv.) que ceux-ci “doivent être attribués à un recul dans la barbarie après le grand cataclysme”, et il ajoute: “Il est vrai qu’on conçoit difficilement qu’un peuple, qui fut jadis à l’origine du progrès et de la civilisation, retombe brusquement dans la barbarie. Mais il n’en va pas de même lorsqu’une civilisation doit survivre à une catastrophe comme un déluge. D’une part, très peu d’hommes ont pu survivre à un cataclysme aussi important que le déluge de neige et de glace; d’autre part, ceux qui ont survécu pouvaient difficilement avoir emporté avec eux toute leur ancienne civilisation pour la rétablir dans leur nouveau domaine, sous des conditions difficiles, parmi les tribus non aryennes qui peuplaient alors le nord de l’Europe ou les plaines de l’Asie centrale (…) Les descendants de ceux qui durent émigrer vers ces pays à partir des régions polaires, ne connaissant qu’une vie de sauvages et de nomades, pouvaient au mieux n’avoir conservé que des réminiscences fragmentaires de la culture et de la civilisation antédiluviennes de leurs ancêtres qui vivaient jadis heureux dans leur pays arctique. (…) Il est presque merveilleux qu’une si grande part de la religion ou de la culture antédiluviennes ait pu être conservée après le naufrage général causé par la dernière glaciation, grâce au zèle et à la discipline religieuse des bardes et des prêtres iraniens et indiens (9). Il est vrai que ceux-ci considéraient ces vestiges d’une ancienne civilisation comme un trésor sacré, dont la garde leur avait été confise et qu’ils devaient scrupuleusement transmettre aux générations futures”.

Nous arrêterons ici cette assez longue citation de même que nos références au livre de Tilak, pour nous demander ce que nous-autres, Occidentaux du XXe siècle finissant, avons encore conservé de ce “trésor sacré”?

Avouons-le franchement: très peu de chose quoique notre civilisation soit riche des trésors les plus divers, ne serait-ce que d’une connaissance vraiment encyclopédique du passé de l’humanité, connaissance qui s’enrichit et s’amplifie encore de jour en jour. Mais ce que notre civilisation a gagné en science et en savoir faire en fait de technique, elle l’a perdu en sagesse au fur et à mesure de ces progrès tout matériels. C’est ainsi que s’impose de plus en plus un retour aux sources de cette sagesse millénaire.

Ce n’est certes pas par des préoccupations passéistes que certains tenants de la Tradition ont pu avancer la nécessité d’une révolution conservatrice, bien que la notion même de semblable révolution soit bien ambiguë et permette toutes les confusions possibles. On a aussi pu parler de l’involution dont notre civilisation subi rait le lent, mais continu et irréversible processus d’érosion, aussi le retour aux sources, à la Tradition qu’il convient de prôner devrait-il se faire d’une manière toute spirituelle et éthique, pour laisser mythes et légendes antiques au monde des mythes et des légendes. Et dans notre monde moderne, qui a été taraudé à fond depuis des siècles et des siècles par ce que nous appelons rationalisme et matérialisme convient-il d’accorder encore quelque créance aux religions que nous avons héritées d’un passé relativement récent? Ne convient il pas plutôt de les reléguer dans le monde des mythologies, voire des superstitions, pour revivifier le sens du sacré qui se trouve au-delà et au-dessus de toute religion “révélée” ou non?

Ce n’est pas le moment d’expliciter ici la différence qu’il peut y avoir entre le sens du sacré et celui du sentiment religieux qui a conduit à la naissance des religions. A notre humble avis, renouer avec la Tradition primordiale, c’est dépasser le stade du religieux pour accéder au monde du Sacré, et ce monde du Sacré, du Numineux commande une éthique dont nous pouvons encore trouver de nos jours les règles de sapience et de sa gesse dans les livres sacrés de nos lointains ancêtres, qu’il s’agisse des Védas, des Lois de Manou, de l’Avesta, des Gâthas de Zoroastre ou de l’Edda de Snorre Sturleson, sans oublier les écrits des philosophes présocratiques ou des règles de vie des premiers siècles de l’histoire de Rome, des Germains de l’époque de Tacite ou des Vikings de Snorre Sturleson.

Julius Evola nous a montré le chemin dans cette voie de la reconquête de la Tradition primordiale, mais jusqu’ici, hélas, aucun ouvrage vraiment exhaustif n’a encore recueilli une anthologie des règles éthiques que l’on pourrait glâner dans les divers livres sacrés des Aryens auxquels nous venons de faire allusion o n pourrait ainsi constater que la sagesse contenue dans ces livres relevant de civilisations originaires aussi bien d’Asie que de l’Europe provient de cette souche commune dont Lokamanya Bâl Gangâdhar Tilak a si savamment su découvrir l’origine polaire.

Avril 1981


(1) Voir le n° de mars 1980 du “Bulletin intérieur” du “Centre d’études doctrinales Evola”, de Paris.

(2) Tilak rappelle aux pp. 79-80 de son livre que les Grecs et les peuples celtes et germains connaissaient une identique “nuit des dieux”.

(3 ) Tilak suppose toutefois que le peuple “hyperboréen” de l’époque interglaciaire, auquel les Aryens doivent leur Tradition primordiale, avait atteint un niveau de civilisation au moins égal à celui de l’Egypte des Pharaons, et cela très probablement à une époque antérieure à celle des premiers Pharaons. La régression de cette civilisation polaire serait due, selon lui, comme on le verra plus loin, aux suites du cataclysme qui bouleversa de fond en comble les conditions de vie dans les parages du Pôle Nord et obligea ceux qui avaient survécu à ce cataclysme à émigrer vers des régions plus clémentes.

(4 ) C’est à cette période interglaciaire qu’il faut, selon Tilak, situer la civilisation hyperboréenne.

(5) Dans “Outlines of Astronomy”, éd. de 1883, art. 368, 369.

(6) “Fragments of Earth Lore”, p. 260 et “Préhistoire Européenne”, p. 530.

(7) Plutôt astrologiques, dirons-nous.

(8) Notamment dans ses conférences sur le paradis celtique, “Hibbert lectures” et “On the origin and Growth of religion as illustrated by celtic heathendom”.

(9) Nous y ajouterons grecs, romains, celtes et germains.

Eemans, M. (1981). Aux origines de la tradition primordiale d’apres le livre de B.G. Tilak. Brussel: Centro Studi Evoliani Bruxelles.

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